Philosophie à vivre
avec M-M. Davy :
La vie intérieure, c'est en elle et par elle que se sont transmises jusqu'à nous les valeurs indispensables, sans lesquelles la liberté ne serait qu'un mot. Georges BERNANOS
LA CONNAISSANCE DE SOI par MARIE-MADELEINE DAVY
La dimension humaine est une conquête : l'art d'être un Homme s'apprend. A cet égard les enseignements se multiplient; les maîtres spirituels s'effacent, les instructeurs surgissent. Ceux-ci s'efforcent d'apprendre eux-mêmes et de transmettre à autrui des techniques concernant le parfait usage du corps et aussi de la concentration et de la méditation. Il ne suffit pas de s'inféoder à un groupe pour parvenir à la connaissance de soi. On risque de confondre la chaleur communicative de la collectivité avec l'élan de la vie en profondeur ; l'émotion éprouvée quand on chante ou accomplit des exercices ensemble avec le progrès d'un mouvement ascensionnel. Toute communauté risque de mélanger les dimensions horizontale et verticale, d'installer le sujet dans une médiocrité qui ne se remarque plus par habitude : l'enlisement guette toujours le débutant et le progressant. Confondre le psychologique avec le pneumatique (pneuma : esprit) est une tentation permanente.
Toute véritable démarche conduisant à la connaissance de soi exige de s'assumer dans une solitude consentie, de prendre la responsabilité de soi-même, de sa vie et de son destin. Penser qu'une telle démarche est aisée serait illusion, elle doit être aimée en raison même de la rigueur qu'elle impose constamment.
Dans la mesure où la connaissance s'accroît et tente de s'affirmer, les doutes précédemment fluides se coagulent. la question fondamentale se pose : est-il possible de parvenir à la connaissance de soi ? pour certains êtres privilégiés et sans doute peu nombreux, une telle réalisation est certaine.
La plupart doivent se contenter d'une approche relative. Elle suffit pour comprendre que la connaissance de soi est la seule démarche qui vaille d'être tentée.
La rareté d'un parfait accomplissement provient moins d'une générosité insuffisante que d'une inaptitude liée à un manque de liberté intérieure. Sur un tel sentier, on cherche volontiers des compagnons de route ; or le chemin est toujours solitaire. On voudrait trouver un maître pour guider le pas et rassurer lors des situations périlleuses ; mais les maîtres sont rares et peu disponibles. Le plus souvent, il convient d'accepter d'entreprendre et de poursuivre sa quête dans un isolement plus ou moins rigoureux en sachant que le meilleur se trouve dans son propre cur. Dans la mesure où s'achève la poussée des ailes, l'oiseau quitte son nid et prend lui-même sa nourriture.
Dès que l'ego s'affaiblit, que le dénuement purifie et libère, l'homme à la recherche de la connaissance de soi sort de ses ténèbres et de sa prison. Il bascule soudain dans une autre dimension privée de dualité. Séduit par l'unité, comprenant qu'elle est sa lumière et son ordre, il s'abandonne à la beauté du cosmos qui l'aidera dans son ascension vers le divin. désormais, il n'a plus de regard pour ce qui disperse et risque constamment d'entamer. A la fois amant et aimé, il devient : amour. Il peut avoir besoin de solitude et de silence pour savourer sa joie, car il sait que l'action est toujours misérable du fait de ses limites. Par ailleurs, il y a ceux qui ont faim d'absolu devant eux, il peut rendre témoignage et décrire sinon son itinéraire du moins son orientation. Dans ce cas, une immense compassion le meut.
Tout être possède en lui un soleil intérieur; l'essentiel est de le découvrir, d'y adhérer afin de pouvoir devenir entièrement soleil. La pensée taoïste compare l'homme à un vase porteur d'une fleur d'or. Soleil ou fleur de lumière constituent le trésor caché, le soi recouvert de voiles. Se connaître, c'est pouvoir contempler sa nature originelle et lui être fidèle au sens du texte de l'apôtre Jacques : « si quelqu'un écoute la parole et ne la met pas en pratique, il est comparable à un homme qui regarde dans un miroir le visage de sa naissance et qui après s'être regardé oublie ce qu'il est »
L'originalité de la connaissance de soi, qu'elle aboutisse dans sa plénitude à l'élément divin que tout être porte en lui, ou qu'elle se tienne encore au niveau d'une des nombreuses étapes du parcours, elle sera toujours déploiement de la capacité de connaître et d'aimer, acquisition d'une vie nouvelle.
Chaque homme entreprend une démarche strictement personnelle. Les réalisations de la connaissance de soi ne sont jamais identiques et cependant toutes communient dans une harmonieuse unité.
La claire conscience du soleil intérieur, de la fleur d'or, du soi: tel est l'enjeu de la vraie connaissance.
LL
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